Historique

La valorisation économique des ressources en eau et en terre du Sénégal était à l’ordre du jour dès les années 40, et les premières actions entamées dans ce sens avant et pendant les premières années de l’Indépendance ont porté sur la riziculture en submersion contrôlée dans le Delta et la basse vallée du fleuve Sénégal, l’exploitation des parcelles étant assurée essentiellement par des “colons” venus de l’arrière-pays. Le niveau de maîtrise de l’eau s’est progressivement amélioré avec la création de la SAED en 1965 qui a mis en œuvre des systèmes d’irrigation (grands et moyens périmètres) plus performants mais plus coûteux en substitution aux aménagements sommaires initiaux. La dégradation tendancielle des conditions climatiques observée à partir du début des années 70 a amené les autorités sénégalaises à adopter l’irrigation comme un axe privilégié d’intensification et de sécurisation de la production agricole.

Le développement de l’irrigation s’est donc considérablement renforcé sous l’impulsion des pouvoirs publics au cours de la période allant de 1975 à la fin des années 80, avec l’extension des interventions à toute la vallée du fleuve Sénégal (périmètres irrigués villageois et aménagements intermédiaires), à la Casamance (aménagements anti-sel), au bassin de l’Anambé (ouvrages collinaires et aménagements de plaine mis en place par la SODAGRI4), ainsi que sur le fleuve Gambie (périmètres villageois développés à travers le Programme d’investissement du Sénégal oriental conduit par la SODEFITEX).

Aux efforts importants ainsi déployés par l’Etat pour limiter (voire inverser) les effets de la sécheresse étaient venus s’ajouter ceux d’initiative privée, principalement dans le Delta du Sénégal ; l’engouement d’entrepreneurs privés pour l’agriculture irriguée a été considérablement facilité par la réforme foncière de 1985 (en vigueur jusqu’en 1996)5, par laquelle l’Etat a transféré aux conseils ruraux la compétence de la gestion du domaine national (affectation de la terre, contrôle de sa mise en valeur et désaffectation). Cette irrigation toute tournée vers la riziculture venait renforcer celle privée déjà existante en horticulture (à 80% dans la zone des Niayes).

Principales sources d’eau pour l’irrigation

Fleuve Sénégal

La vallée du Fleuve SÉNÉGAL présente très peu de pente. Historiquement, l’eau de mer pénétrait donc profondément à l’intérieur des terres durant l’étiage et les sols de la vallée présentent souvent des niveaux critiques de concentration en chlorure de sodium. Hors du lit du fleuve, la mise en valeur des sols généralement sableux exige donc la mise en place de conduites enterrées sur des distances pouvant être assez longues (de quelques centaines de mètres à plusieurs Km). Le barrage de DIAMA, terminé en 1981, n’était initialement pas destiné à créer une retenue d’eau, mais à empêcher les remontées de sel, autorisant ainsi l’utilisation de l’eau douce du fleuve pour l’agriculture durant toute l’année. Le barrage permet néanmoins de maintenir le niveau de l’eau à la cote de 2,20 m en saison sèche et à 1,50 M durant la crue. Cette cote plus basse est justifiée par la force du flux de la crue, qui, sinon, risquerait d’emporter le barrage.

Lac de Guiers

Le lac de GUIERS est un lac naturel qui est actuellement utilisé comme réserve d’eau potable pour l’alimentation de plus de la moitié des besoins de la ville de DAKAR. Il est naturellement alimenté par le fleuve à travers le canal de la TAOUE qui a élargi et rendu rectiligne le lit initial du bras qui l’alimentait. Du fait de son histoire et des remontées salines d’eau de mer qui atteignaient cette vallée, la partie sud du lac, où l’eau a tendance à stagner, présente généralement des taux de salinité critiques. Cette situation est entretenue, d’autre part, par les rejets des systèmes de drainage de la CSS qui rejettent des quantités non négligeables de sels dans le lac.

Forages

Les forages réalisés au SÉNÉGAL ont pour objectif d’atteindre la nappe phréatique profonde du Maestrichtien (de 40 m à quelques centaines de m). Globalement, la tectonique générale du bassin sénégalo-mauritanien est relativement simple avec des couches subhorizontales, plongeant légèrement vers l’ouest, ce qui devrait créer des conditions similaires sur l’ensemble du territoire. Dans le détail, cependant, la fracturation peut être très importante et compliquer localement les structures géologiques. La présence de fractures modifie très fortement certaines conditions locales auxquelles s’ajoute parfois la présence d’un volcanisme basique.

Puits

Contrairement aux forages, les puits prélèvent l’eau dans la nappe phréatique superficielle, appelée complexe terminal, composée dans sa partie accessible (8 à 15 m) essentiellement de sables éoliens ou marins. La zone des NYAYES est, effectivement, truffée de puits, du Nord au Sud. La capacité des puits est de l’ordre de 5 m³/h. Pour des besoins supérieurs, il faut donc les multiplier. A proximité du littoral, le risque est grand, dans le cas de prélèvements trop nombreux, de voir l’eau de mer s’introduire souterrainement et faire remonter le taux de salinité. Dans le cas de recharge insuffisante de la nappe, ce phénomène est encore accéléré. C’est ce qui se produit lors de saisons des pluies insuffisantes.

Retenus d’eau

Le gouvernement du SENEGAL encourage la création de retenues d’eau à l’aide de petits barrages pour conserver l’eau sinon perdue par ruissellement. La capacité de ces barrages est déterminée par la surface de la retenue et sa profondeur moyenne. Les surfaces sont de l’ordre de 1 à quelques ha et les profondeurs de l’ordre du mètre à quelques mètres. La capacité d’une retenue est donc de l’ordre de quelques dizaines de milliers de m³ (3 ha à 3m donneraient 90 000 m³). Sachant qu’une culture légumière a un besoin de 4 000 à 8 000 m³ par ha et tenant compte des pertes par évaporation et infiltration, il est évident que ces retenues ont une capacité d’irrigation de quelques ha au maximum et ne peuvent donc être utilisées pour l’agro-industrie.

La performance économique de l’irrigation

L’analyse des caractéristiques de l’environnement socio-économique de l’irrigation au Sénégal, permet d’affirmer que le sous-secteur souffre d’un déséquilibre structurel lié au choix d’utilisation d’un instrument de production coûteux pour la maximisation de la production céréalière. Cependant les conditions environnementales et techniques de production ne sont pas adaptées à ce choix, et se traduisent par une rentabilité économique négative ou tout au plus marginalement positive.

La rentabilité économique de la riziculture irriguée est limitée par les caractéristiques de l’environnement socio-économique liées à la dimension des parcelles, au manque d’incorporation de la valeur ajoutée à la production par le producteur lui-même, à la difficulté d’améliorer la commercialisation dans le cadre de filières structurées selon une approche interprofessionnelle, à un manque de capacité et d’initiative à canaliser l’épargne rurale vers des investissements agricoles productifs, et enfin, à une offre limitée de produits financiers en ligne avec les besoins des producteurs.

Outre ces contraintes de nature technique et économique, deux autres facteurs liés á la sphère sociologique interviennent dans l’explication de l’insuccès de l’irrigation au Sénégal. Premièrement, les organisations paysannes ne parviennent pas à tirer les bénéfices collectifs (tels que l’accroissement des pouvoirs de négociation sur les achats d’intrants ou sur la commercialisation de la production, voire une meilleure sécurisation du crédit) qui sont la principale raison d’être de ces structures. Deuxièmement, les producteurs sont marqués par une culture « d’assistés » qui engendre les fréquents phénomènes de mauvais remboursement du crédit, et limite la capacité de financer le fonctionnement et le renouvellement des équipements de production, capacité qui est déjà fortement limitée par la rentabilité marginale de la riziculture.

Cependant, ces contraintes ne doivent pas faire perdre de vue le constat de base du manque de rentabilité de la riziculture irriguée et ne constituent pas des goulots d’étranglement fondamentaux pour le développement du sous-secteur. En effet d’un côté, la résolution de ces contraintes ne peut à elle seule avoir un impact durable sur la performance de l’agriculture irriguée si le sous-secteur reste ancré à son objectif actuel de production céréalière. Par ailleurs un changement radical dans l’orientation de la politique d’irrigation vers des spéculations à rentabilité plus élevée pourrait desserrer un bon nombre de ces contraintes.